Je me souviens du jour ou K. réintégrait son appartement, car le soir nous avions dû passer pour récupérer une partie de nos sacs et, contrairement à ce que nous avions fait pendant la semaine, nous avions sonné à sa porte.
K. était déjà là avec ses enfants et des amis. Orphée était complètement perturbé, toute la semaine nous étions seuls, nous rentrions avec une clé, et voilà que d’un coup tout changeait ! K. nous a proposé de rester un peu et finalement nous avons mangé avec eux. Mais Orphée n’a pas voulu enlever son manteau et il est resté toute la soirée collé à moi.
Samedi 11 octobre, nous sommes allés manifester au 24, rue de la banque :
« Contre la crise du logement et la loi Boutin : Un logement pour tous ! »
Les organisateurs nous montraient tous les immeubles vides depuis longtemps dans le quartier. Je ne connaissais personne alors au début j'étais là, je suivais, j'observais en silence. Puis les slogans ont commencé à m'emporter, le sentiment d'appartenir à un groupe s'est peu à peu installé en même temps que le dégoût de la spéculation, et j'ai fini moi aussi par scander en compagnie de Jules qui s'en donnait à cœur joie :
« Madame Boutin ! Arrête ton baratin ! Application de la loi de réquisition ! ».
Mais aussi :
« Mais qu’est-ce qu’on veut ? » « Logement ! », « Et pour qui ? » « Pour tous ! »
« So So, solidarité pour les mal logés ! »….
Je portais Orphée sur le dos dans l’écharpe et chaque fois que la musique s’arrêtait il disait « encore ! ». Bien sûr, je ne pense pas qu’il comprenait le sens de toute cette agitation mais ça lui plaisait. Jules, lui, m’a dit : « Maman, je pense que tu aurais mieux fait de garder l’appartement qu’on avait ».
A la fin de la manifestation un goûter était servi et un photographe a photographié Orphée. Je lui ai demandé alors pour qui il travaillait. Il est indépendant, il couvre pas mal de manifestations. Comme il met en ligne les photos sur internet, il m’a donné son site pour que je puisse visualiser les photos. Je lui ai donné l’adresse de mon blog, peut-être on peut faire des choses ensemble.
Depuis, dans la cour de l’école, Jules a embrigadé ses camarades, il m’a raconté qu’ils se mettent en ligne et tout en avançant, ils crient les slogans de la manif, son préféré étant « Madame Boutin ! Arrête ton baratin !… ».
J'avais mis un peu de côté le blog ces derniers temps. J'avais écrit une première version de ce post mais je l'ai perdue et je me suis découragée. Mais me voici de nouveau, je veux vous tenir informés et je dois continuer, pour moi et mes enfants, mais aussi pour tous ceux qui sont dans la même situation que nous.
Je suis très touchée par tous vos commentaires ! Je suis surprise de voir à quel point mon blog circule sur internet et j'avoue que cela m'a fait un peu peur. La sensation de ne plus maîtriser, l'idée que tout le monde puisse avoir connaissance d'une partie de ma vie. En même temps je l'ai fait pour ça, mais je suis assez pudique. J'ai lu toutes vos suggestions et toutes vos idées, je remets tout ça au clair pour pouvoir agir et je vous réponds très vite !